Le 28 March 2024
Volume 42, Numéro 3
Un amour inconditionnel
Reportage

Un amour inconditionnel

Si on vous demandait ce que signifie la Journée du travail invisible, vous auriez peut-être une certaine hésitation avant de répondre à cette question.

La Journée du travail invisible vise à faire reconnaître le travail non rémunéré des parents et aidants auprès de leurs proches, âgés, en perte d'autonomie, de leurs enfants malades ou handicapés et l'ensemble du bénévolat accompli dans la communauté.

Je vous résume le récit de Madame Françoise Desbiens une aidante naturelle auprès de sa fille Hélène.

Madame Desbiens est membre de L'AFEAS de Shipshaw et elle a débuté l'écriture d'un livre dans le-quel elle raconte de façon ex-haustive son cheminement personnel avec sa fille. Un jour peut-être aurons nous le privilège de compter parmi ses lecteurs.

C'est le 11 mars 1968 que sa fille Hélène ''arrive dans ce monde''. Au cours des premiers jours, Hélène va bien, tout paraît normal, mais pour une mère l'intuition ne ment pas. Hélène dort beaucoup, elle ne pleure pas, mais elle sourit. Elle et son conjoint la trouvent un peu trop tranquille.

Au bout de quelques semaines, Madame Desbiens a des doutes, et décide de consulter des médecins. Suite à de nombreux examens médicaux qui durent plusieurs mois, le pronostic qu'elle appréhendait avec beaucoup d'anxiété se confirme. En septembre 1969, on lui apprend que sa fille Hélène alors âgée de 18 mois est épileptique et qu'elle a une déficience mentale. Il s'agit de l'agénésie du corps calleux, c'est une partie du cartilage qui manque pour réunir les deux hémisphères du cerveau et une atrophie cérébrale du côté gauche. A cette époque le médecin prévoyait pour sa fille une espérance de vie de cinq à six ans. Ce fut le mois qu'elle n'oubliera jamais, même avec les années, il ne s'effacera pas de sa mémoire puisqu'à ce moment-là le monde s'est écroulé.

Madame Desbiens nous a raconté comment elle et son conjoint ont pris leur courage à deux mains pour trouver la force d'apprendre à leur fille Hélène à évoluer tout en respectant son rythme personnel. ''Nous l'aimions d'amour, tout notre temps se planifiait par rapport à notre enfant ainsi que nos activités et nos sorties de couple''. Hélène est devenue le centre de leur univers.

Madame Desbiens a eu un deuxième enfant, elle nous a relaté comment la naissance de son fils Denis en 1973 avait transformé sa petite fille. ''Lorsqu'Hélène a réalisé qu'il y avait un bébé à la maison, on aurait dit que dans son cerveau il s'est produit un déclic; dans les mois qui suivirent sa santé s'améliore ''. C'est à ce moment qu'ils ont réalisé que leur fille Hélène allait et voulait vivre.

Madame Desbiens a tenu à témoigner du grand soutien qu'elle a obtenu de sa famille, plus particulièrement celui de sœur Monique lorsque sa fille a débuté l'école. Elle nous a confié avoir vécu une période plus mouvementée émotionnellement durant environ 5 ans, alors que sa fille fréquentait un centre de jour. Heureusement, elle a pu compter sur le soutien essentiel des éducateurs. Ils ont été des ressources indispensables qui lui ont permis d'adopter les bons comportements envers sa fille. C'est aussi grâce à leur écoute qu'elle a pu se libérer d'un poids qu'elle avait sur le cœur depuis longtemps, même avec l'appui de sa famille.

C'est avec beaucoup d'imagination que Madame Desbiens a aidé sa fille à développer son autonomie et son langage. En fabriquant des cartons avec des images pour lui montrer à parler, en utilisant des catalogues pour lui permettre d'identifier des objets et en se servant de jeux de cartes, elle a réussi à lui apprendre à exprimer ses besoins et à reconnaître les chiffres.

Pendant des années tout en prenant soin de ses deux enfants, Madame Desbiens était coiffeuse à la maison. Durant cette période, un éducateur lui a conseillé de sortir de la maison, d'aller travailler à l'extérieur. En octobre 1977, à la grande surprise de son conjoint et de l'éducateur, elle a été embauchée au Centre d'entraînement à la vie à titre de préposée aux bénéficiaires. Elle y a travaillé pendant 25 ans.

Madame Desbiens a relaté avec beaucoup d'émotion un souvenir heureux et touchant. Lors du 45e anniversaire de sa fille Hélène, elle lui a présenté un gâteau de fête et des cadeaux. Sa fille a été très émue et c'est avec la voix en sanglots qu'elle a dit: «t'as pas oublié la fête à Hélène». Pour une première fois de sa vie, elle lui a démontré une grande émotion.

Quand Hélène était toute petite, Madame Desbiens a toujours refusé qu'elle quitte la maison. Madame Desbiens a tenu à préciser qu'on ne place pas son enfant, on le confie. Elle a finalement pris la décision de confier sa fille Hélène, à l'âge de 22 ans, à d'autres personnes pour en avoir soin. Confier son enfant ne signifie pas l'abandonner, se déresponsabiliser. Confier son enfant cela signifie s'entourer de personnes compétentes et rassurantes pour conserver la force de continuer à offrir de l'amour et de la tendresse à son enfant.

Aujourd'hui Hélène est âgée de 45 ans, elle progresse toujours; malgré quelques problèmes de santé elle se porte relativement bien. Elle est capable de dire à sa mère qu'elle l'aime très fort.

Comme tous les parents d'un enfant ayant une déficience mentale, Madame Desbiens se demandait qui protégera sa fille lorsqu'elle ne sera plus là. Son fils Denis l'a rassurée en lui demandant d'avoir un droit de regard sur Hélène. C'est avec beaucoup d'émotion qu'elle s'est rappelée de cette conversation.

Malgré les peines et les embûches, Hélène a su procurer du bonheur à sa famille. Hélène est une personne sociable, elle aime beaucoup magasiner, elle aime comme elle le dit ''aller se promener chez ses parents''. Elle a fait mentir le pronostic du médecin quant à son espérance de vie.

Le plus rassurant dans la vie d'Hélène c'est qu'elle a reçu un amour inconditionnel.

Merci Madame Desbiens pour cette belle rencontre.