Le 29 March 2024
Volume 42, Numéro 3

Au printemps, la glace sur les rivières et les lacs s'amenuise et s'y aventurer devient de plus en plus hasardeux sinon carrément dangereux, voire mortel. Les accidents résultent souvent d'une méconnaissance de l'environnement qui, en apparence, cache sournoisement ses traquenards. Cette mise en situation symbolique traduit assez bien le contexte dans lequel une de nos concitoyennes de Shipshaw s'est embourbée au début avril. 

En effet, Line (non fictif), venait enfin d'arrêter son auto sur l'immense stationnement de chez Cosco à Chicoutimi. Depuis déjà un bon moment, une soif intense lui avait asséché la bouche, le gosier et toute la plomberie sous-jacente. Après s'être emparée d'un chariot, notre assoiffée, qui avait fait de son inconfort une priorité, trottinait presque derrière le chariot, histoire de se désaltérer au plus sacrant. Après un parcours plutôt sinueux dans le trafic interne toujours assez dense, elle mit soudainement fin aux lamentations des 4 roulettes de son panier. Le nirvana de la déshydratation étalait enfin devant elle de pleines caisses d'un jus en canettes de marque « Palm-Bay Tropix ». N'y tenant plus, elle s'empara d'une boîte de 24 canettes de ce nectar à saveur lime et cerise et se précipita vers les caisses pour régler la facture. Cinq longues minutes plus tard, elle parvenait enfin à sa voiture. 

Une fois le coffre de l'auto ouvert, elle s'empara de la caisse, la sortit du panier et… l'échappa par terre. Nerveusement elle s'empara des quelques canettes qui avaient fait une tentative d'évasion. À ce moment précis, comme le hasard fait rarement bien les choses, un monsieur, voyant la scène, ne put s'empêcher de lui offrir son aide. Line, avec un sourire embarrassé, déclina l'offre puisqu'elle avait déjà rattrapé les fuyardes.

Notre « gentil » inconnu crut quand même bon de mettre la caisse dans la valise de l'auto. Line échappa un merci un peu courroucé devant une gentillesse un peu surfaite. Avant de fermer le coffre de la voiture, elle prit une canette qu'elle décapsula et se rinça enfin de gosier. L'homme tira sa révérence, non sans avoir jeté un étrange regard à notre amie. 

Enfin callée dans le siège du conducteur, Line se rinça à nouveau la langue et les dents avec une bonne gorgée de jus. « Délicieux! Ahh! » 

Le retour à la maison s'annonçait des plus agréables. Mais voilà qu'à peine sortie sur le boulevard Talbot, une voiture de police, tous gyrophares allumés avec sirène en appui lui colle le train avec l'intention plus qu'évidente de l'arrêter. Ce qu'elle fit dans un total état de stupéfaction. Le cœur voulait lui sortir de la poitrine quand un policier se pointa à sa fenêtre. 

-              Line : C'est-tu ben moi que vous arrêtez? 

-              Policier : Certainement Madame! 

-              Line : (après s'être pris une gorgée de jus) : «je me demande bien                  ce que vous allez me sortir  là». 

-              Policier : «Quelqu'un vient de nous appeler  pour nous signaler que                vous preniez de l'alcool  au volant ». 

-              Line : Levant sa canette : «Pantoute, c'est du  jus de lime et                            cerise.» 

-              Policier (lui-même franchement étonné):  «Regardez votre canette                  Madame, c'est bien indiqué : alcool 5% ». 

-              Line tomba littéralement des nues: «Mais j'ignorais totalement que                  ce jus était alcoolisé. Je suis vraiment désolée. Je ne bois jamais                    d'alcool au volant. De toute façon M. l'Agent j'en ai bu très peu                        comme vous pouvez le constater ». 

Notre amie, débobinée, se voyait déjà derrière les barreaux à la prison de Roberval. Heureusement, le policier, sans doute touché par la sincérité de notre conductrice, se contenta d'un simple avertissement. Line se promit bien de s'en tenir à l'eau de Pâques pour les prochaines semaines. 

Quant au gentil monsieur du stationnement, elle se sentit trahie mais se contenta de le flageller en pensée seulement.