Cette histoire n'a de drôle que son étrangeté: donc plus une drôle d'histoire qu'une histoire drôle.
En septembre dernier, Jean-Jacques Boucher, comme bien d'autres propriétaires de bateau, jonglait déjà à la meilleure façon de sortir son embarcation du Saguenay. Muni d'un moteur de type «in-bord», son bateau, d'une longueur de 27 pieds, pèse dans les 7000 livres. Il n'y a donc pas de chance à prendre. Il décide donc de s'adjoindre un ami de longue date, Jos Maltais, pour réaliser l'opération. Ce dernier met donc son camion neuf à la disposition de notre capitaine. Pour la sortie de l'eau, il fut décidé, pour des raisons techniques, de la faire chez Claude Gagnon à la Baie-des-deux-Iles. Claude, lui-même capitaine, a un grand terrain sur les rives du Saguenay et il est en pente douce.
Pendant que Jos recule la remorque dans l'eau avec son camion, Jean-Jacques manœuvre pour faire une approche en douceur. Jos s'est installé à l'avant de la remorque et attend que le bateau s'approche pour se servir du treuil. Comme le vent s'est levé, l'accostage s'avère un peu plus compliqué. Après 3 essais ratés, notre ami arrive un peu plus vite. Un peu trop même. Comme il n'y a pas de freins sur un bateau, il faut faire marche arrière. Jean-Jacques pousse donc la manette pour inverser la rotation de l'hélice mais, à cet instant précis, le petit câble d'acier de la marche arrière se casse brusquement, laissant le bateau en marche avant alors que le moteur s'emballe. Dans la seconde qui suit, le bateau se soulève et fonce vers la remorque, cassant les balises et heurtant avec force la butée d'amarrage avant. L'acier se tord et se brise tandis que la quille s'égratigne sur les poutrelles de la remorque.
Jos, totalement surpris par cet embarquement impromptu et soulevé comme une feuille au vent, fait un vol plané et arrive tête première dans l'eau glacée. Blessé à la main il est heureusement, presque miraculeusement, sain et sauf. Dany son fils, qui a assisté à la scène, va le récupérer dans l'eau froide mais dans l'énervement le pousse d'abord vers le fond de l'eau plutôt que de le ramener.
Quant au capitaine il est encore sous le choc. Il vient à peine d'arrêter le moteur qui tournait encore à pleine vitesse. Sa remorque est amochée sérieusement, le bateau mal en point, l'hélice toute décentrée et tordue. Mais son ami est sain et sauf bien que tout trempé et semi-congelé.
Le bateau tient sur la remorque par un fil et il faudra des heures de travail, de levage à l'aide de «jacks» hydrauliques, d'ajustement de sangles, de forçage, pour finalement sortir la bête de l'eau.
On aurait dit une scène d'action tirée d'un bon vieux «James Bond».
Le 23 novembre 2024
Volume 42, Numéro 9