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Le lendemain matin pendant que Richard et Claire en étaient aux derniers préparatifs du déjeuner, Alyson et Christopher, sans doute alléchés par les odeurs d'omelettes qui couraient dans la maison, se pointèrent sans mot dire à la table de cuisine. Leur papa Sébastien, déjà debout mais assis dans un fauteuil la tête dans le «Quotidien», abandonna sa lecture pour courir, à la demande de Richard, chercher le «lip seal» pour une deuxième couche; mieux vaut prévenir que guérir. Sur les indications de son cuistot de père, il revint avec le précieux tube.
- « Celui-là? »
- « Oui en plein ça. »
Claire qui, mine de rien, suivait la scène et le tube, sursauta quand elle réussit à focaliser sur l'étiquette identifiant le produit. Un cri de gorge fit résonner un «NON» désespéré qui figea les deux hommes :
- «C'est un tube de colle « pritt »!»
Les deux enfants, qui n'avaient toujours pas ouvert la bouche, roulaient des yeux plein de questions.
- «Tu ne leur as quand même pas mis cela sur les lèvres Richard?»
Le visage de ce dernier avait changé de couleur et boucanait un peu comme une toast carbonisée qui gicle du grille-pain.
Sébastien était resté figé, le tube de colle entre les doigts. Une débarbouillette humide, copieusement promenée sur la figure et les lèvres des enfants par Claire, leur libéra finalement la langue. Leurs premiers mots furent précédés d'une quinte de toux trop longtemps étouffée. La vengeance des petits fut terribles. Ils foudroyèrent leurs deux grands parents avec une grippe carabinée qui les terrassa tous les deux et les envoya sur le grabat. Claire, complètement "knock out", passa même vingt heures, alitée, dans un sommeil semi-comateux. À son réveil, Richard encore penaud, décolla les lèvres pour la saluer et s'engagea sur le champ à revoir leur pharmacopée à l'usage des enfants et surtout à se faire ajuster la vue.