Le 21 novembre 2024
Volume 42, Numéro 9
Les grands remèdes
Saviez-vous Que...

Les grands remèdes

Mon frère Régis a toujours aimé se promener en 4-roues dans les grands bois. Du temps qu'il habitait dans l'arrière pays, à Lamarche plus précisément, nous avons cru à tort qu'il adopterait la randonnée pédestre. Mal nous en prit car sa passion fut décuplée. Faut dire que les grands espaces, la forêt, les lacs, le grand air, les nombreux sentiers qui quadrillent tout ce secteur, l'y invitaient comme une irrésistible tentation.
 
C'est ainsi qu'à tout moment, surtout quand dame nature se faisait belle et douce, mon frérot débarquait à la maison maternelle ici à Shipshaw, chevauchant son quad dégoulinant comme s'il se fût agi d'un fier destrier. Après un échange de nouvelles, de niaiseries et de café, il s'en retournait chez lui requinqué pour une couple de semaines.
 
Il y a de cela quelques années, il vendit sa maison là-bas, pour s'en revenir à Shipshaw enclenchant ainsi un grand barda (au sens acadien du terme). Le premier à tomber au combat fut son 4-roues dont il se résigna à se départir faute d'espace pour le remiser adéquatement lors de la construction de la nouvelle maison. Mais voilà que dernièrement, toujours miné par les remords et envahi d'un sentiment pressant de renouer avec sa passion, Régis mit fin à cette démangeaison mentale en s'achetant un 4-roues légèrement usagé (3000km).
 
Comme il se trouvait à Métabetchouan, Régis fit appel à mon frère Athanas qui possède un « pick up » et une remorque pour le transporter jusqu'au lac Miroir. Se rendre là-bas, l'embarquer dans le «trailer», le fixer solidement furent une affaire vite réglée. Le retour   se fit aussi sans encombre, dans la bonne humeur, laissant tout au long du parcours une quantité incroyable de blagues et de jeux de mots dont la conversation avait été émaillée. Parvenu enfin à destination, Athanas recula le camion et la remorque de telle sorte que le 4-roues soit devant la porte du garage. Une fois dehors le froid glacial les invita sans subtilité à faire vite. Pendant qu'Athanas défaisait les sangles d'amarrage, Régis s'installa sur l'engin pour le mettre en marche. Clé, contact, démarrage. Aucun son. Un peu étonné il refit la procédure: toujours rien. Silence total. Pourtant le levier de vitesse était sur park. Rien n'y fit. Comme il s'agit d'un Bombardier Canam Outlander 650, et que les huiles sont figées par le froid sibérien, même désembrayé ce n'est pas une mince affaire de le faire rouler manuellement jusque dans le garage. À deux, malgré un synchronisme parfait et des muscles bien tendus, ils ne réussissaient  pas à faire bouger "monsieur". Jamais à court d'imagination et détestant s'arracher le cœur à forcer, Athanas suggéra qu'on se serve du souffleur à neige dans le garage pour tirer le 4-roues. Comme il n'avait pas fait grand-chose de l'hiver, il s'y prêta de bonne grâce, d'autant qu'il trônait sur une surface cimentée et bien sèche. L'astuce fit merveille et le balourd se retrouva bientôt à l'abri. Une fois dans le garage, les doigts dégelés et remis en usage, on vérifia la batterie. Aucun problème de ce côté. Dans le coffre arrière, Régis découvrit le manuel de l'utilisateur. Après consultation à l'item «démarrage», il se rendit compte qu'il avait utilisé la clé du coffre arrière plutôt que celle du   4-roues. Elles se ressemblaient beaucoup, d'où la confusion. Déjà triomphant, Régis enfonça la clé dans le contact et le quad démarra sans rouspéter. Dommage que les meilleures idées arrivent parfois un peu tard. En tant que leur frère, je trouve quand même que ça manque un peu de sérieux.