Une passion artistique et hivernale
SON PARCOURS
Michel Fortin a débuté la sculpture sur neige il y a 25 ans, lors de la deuxième édition de Jonquière en neige à l'époque. Par la suite, il a été quelques années sans en faire, mais il a toujours pratiqué le dessin, la peinture à l'huile ou la sculpture sur bois dès son jeune âge. Il a repris sérieusement il y a une quinzaine d'années. Son frère Martial est avec lui depuis ce temps. Pour ce qui est de Rock Murray et Denise Guay, cela fait 6 ans qu'ils se sont joints à l'équipe. Michel dit de ses co-équipiers qu'ils possèdent un œil juste, un sens des proportions très développé et une bonne compréhension du mouvement. «Très souvent, ils sont mes yeux et je peux m'y fier», affirme Michel. Puis il ajoute : « je suis fier de pouvoir travailler avec eux! »
En plus de participer régulièrement à Jonquière en neige, lui et son équipe ont participé au Carnaval de Québec à quatre reprises. 2 fois dans le volet provincial et 2 fois dans le volet national. Les quatre fois ils ont reçu la mention des Artistes, votée par les autres sculpteurs. La dernière fois en 2009, ils sont arrivés deuxième au national, derrière l'équipe du Yukon, par seulement trois dixièmes de point. «Cette fois-là ce qui est arrivé, c'est que l'on a manqué de temps pour la finition. La neige était extrêmement dure, donc ça nous a pris plus de temps que prévu pour dégrossir», explique Monsieur Fortin.
Son expérience il l'a acquise sur le tas, par essais et erreurs. Ses outils il les fabrique lui-même, en acier inoxydable, avec l'aide de son coéquipier Rock. Des scies, des couteaux, des passe-partout, des pelles, un godendart, composent principalement son coffre d'outils qu'il améliore d'année en année. En ce qui concerne la technique, elle est basée en grande partie sur la sculpture sur bois.
RIVIÈRE-AUX-SABLES
La sculpture promotionnelle de cette année a pris aux quatre sculpteurs, 460 heures de travail en 19 jours. Des journées qui commencent tôt et qui durent en moyenne entre 8 et 12 heures. Dans l'œuvre de cette année, il y a trois parties qu'il a dû faire la nuit soit parce que, dans le jour, l'éclairage n'était pas bon ou que la neige avait trop ramolli. Dans ces cas, ils commencent à sculpter vers 4h ou 5h du matin jusqu'à 8h environ. «Donc quand on termine ce genre de projet on est fatigué, car cela demande beaucoup physiquement puisque tu combats toujours le froid et que tu passes beaucoup de temps dehors», confie-t-il.
Il s'agit ici d'une sculpture de 25,5 pieds de haut par 16 pieds de large et 31 pieds de long. Selon le surintendant qui fabrique les blocs pour l'événement, il a rentré 25 dix roues de neige dans les deux moules qui ont servi à faire la sculpture. « Cette année c'est vraiment notre meilleure pièce à vie. Au niveau technique, portance, défi, complexité, réalisme des mouvements des personnages, c'est ce que l'on a fait de mieux. Quand on a eu fini, on était content», exprime-t-il avec fierté.
L'idée de faire un hommage aux draveurs de notre histoire lui est venue l'an passée pendant qu'il se promenait comme spectateur à Saguenay en neige, car il n'a pas participé en 2010. En se faisant la remarque que «v'là 75-80 ans, il n'y avait rien d'autres que des fadorches. L'été ça travaillait fort et ça dravait sur la rivière. Maintenant on est rendu avec un festival et on sculpte des bonhommes tout blancs ». Il y a vu une belle idée de sculpture pour représenter une partie de l'histoire de la ville.
LA PRÉPARATION
Pour faire une sculpture sur neige on n'improvise pas à la dernière minute. Quand on veut participer à des événements, il faut se préparer plusieurs mois d'avance. Tout d'abord il faut présenter le projet par écrit pour s'inscrire. Une lettre de présentation, un descriptif, des photos de la maquette ou des dessins à l'échelle, un plan de coupe et dans le cas de Michel, il accompagne toujours son projet d'un poème. «Parce que quand tu mets un poème devant la sculpture, tu n'as pas besoin d'explications », dit-t-il.
Un plan de coupe ça consiste à déterminer les étapes de la création avec un estimé du temps nécessaire pour chaque étape. Car en compétition, le temps est chronométré, de là l'importance d'avoir un plan de coupe bien défini. Cette année, il a manqué de temps pour faire la maquette en bois, alors il a travaillé avec des dessins à l'échelle. Il a même eu recours à deux de ses confrères de travail pour lui servir de modèles afin d'imaginer la posture des deux draveurs.
Quand il travaille dehors avec des croquis, il les plastifie et les place dans un cartable pour les avoir toujours à portée de main, même dans la neige. Et quand l'équipe travaille en hauteur, ils utilisent des harnais qu'ils attachent à des pieux en acier plantés dans le bloc de neige afin d'être en sécurité. Sans oublier les échafaudages qu'ils doivent manipuler pour travailler une pièce d'une telle ampleur.
LE DÉFI TECHNIQUE DE L'ŒUVRE
Le premier défi de «Rivière-aux-sables» est qu'il y a beaucoup de vides dans l'œuvre. Donc il faut réussir à faire tenir les morceaux de neige malgré les espaces. Principalement, ce sont les deux mains des draveurs qui se joignent ensemble qui constituait le défi de l'ensemble de la sculpture. Car le seul lien entre les deux parties principales de la pièce est la poignée de main entre les draveurs. «Il fallait donc penser à l'angle qu'il fallait donner à tout ça pour que ça tienne, pour pas que ça casse», affirme Michel Fortin.
La deuxième difficulté de la sculpture était de donner une impression de mouvement à ces deux personnages. Plus précisément de créer la différence entre les vêtements mouillés et les vêtements secs. De montrer la contraction des mains en respectant la posture des doigts et que les poignets arrivent l'un dans l'autre. Selon lui, quand on regarde les photos et d'après les commentaires généraux de tout le monde, même les autres sculpteurs, le but a été atteint, leur mission accomplie.
LES PROJETS D'AVENIR
Michel Fortin partage sa passion depuis 4 ans en donnant des ateliers, des démonstrations et des cliniques d'initiation à la sculpture sur neige. Il l'a fait dans des écoles secondaires avec des étudiants en concentration arts et dans des écoles primaires. Cette année, ils ont été approchés par des étudiants en enseignement de l'université pour faire un atelier l'an prochain. Il se dit heureux de pouvoir transmettre son savoir-faire, ses trucs et méthodes à d'autres. «Parce que ce n'est pas sain de garder les secrets pour nous autres, ça nous permet d'aller plus loin comme société en partageant notre savoir», confie le sculpteur d'expérience.
Le projet qu'il chérit pour l'équipe serait de participer au moins à une compétition internationale dans les deux prochaines années. «On a le calibre, on a les outils et on a l'expérience. Nous sommes mûrs pour faire un concours à l'international», de dire Michel avec l'étincelle dans les yeux. Une compétition qui se tient au Colorado serait probablement leur choix, car elle se déroule en montagne et la neige est pure, blanche et d'une qualité exceptionnelle. Le seul inconvénient qu'il voit à l'horizon, c'est de libérer ses équipiers pour qu'ils viennent avec lui. Car comme il me l'a bien dit: « la participation et la collaboration de ces gens-là est capitale et indispensable pour la réalisation et la réussite d'une sculpture sur neige».