Le 22 décembre 2024
Volume 42, Numéro 10

Bonne fête des mères à toutes nos mamans disparues

 

Une autre grande dame de Shipshaw nous a quittés.
Notre mère, Simone Noël Claveau, ne sera pas cette année pour recevoir nos petits cadeaux d'appréciation lors de la fête des mères. Et pourtant elle est toujours si présente à notre esprit, si indispensable à notre cœur.
 
Très impliquée, dans la communauté pendant très longtemps, elle aura laissé auprès de beaucoup de Shipshois le souvenir impérissable d'un engagement discret et profond. Elle a 
entre autre été membre de l'Aféas pendant 50 ans (elle avait commencé à
St-Jean-Vianney), elle s'est impliquée dans l'Âge d'or, dans la Fabrique
comme marguiller, dans le conseil de gestion de la Caisse populaire etc.
 
En guise de gratitude à son endroit, suit cet hommage qui lui fut rendu
lors de ses funérailles le 5 avril dernier.
 
Très chère Maman,
prenant origine dans les aurores du XXe siècle et les champs de St-Cœur-de-Marie, votre chemin de vie est une longue continuité de lumineuse tendresse et de générosité sans fin. Quel extraordinaire parcours fut le vôtre depuis cet hiver de 1923 votre arrivée et vos premiers cris mirent en émoi la famille Noël
 
De ce minuscule village perdu dans la neige et le froid la vie paysanne et la pauvreté s'imposaient si lourdement, vous avez fait votre base solide, votre enracinement profond. Les travaux éreintant de la terre, les corvées de jardinage et de basse-cour, votre participation indispensable, même enfant, furent une rude mais indispensable école de vie. Cette précieuse expérience de jeunesse a fait  de vous une femme forte, aguerrie aux difficultés, pragmatique et vaillante, que l'on a toujours vue souriante et enjouée malgré l'énormité de la tâche d'élever, souvent seule, une famille de 7 enfants. Votre courage singulier et votre résilience à tant d'épreuves auront marqué nos caractères et façonné nos cœurs et nos âmes.
 
Comme une saison qui s'étire jusqu'à l'autre vous avez traversé les décennies sans vous laisser traverser par elles. Œuvre de qualité que le temps a signé, votre vie apparaît aujourd'hui dans sa plénitude, exemplaire et droite, ouverte à la fécondité comme un sillon qui s'enfonce dans une terre humide.
 
Dans la mère de mes origines, j'ai flotté des mois, éternité des commencements qui berce et qui réchauffe. Vous étiez, chère maman, mon air, mon pain, mon bouclier dans cette fusion créatrice d'une tendresse qui donne la vie. Puis cette catastrophe obligée de ma naissance. Expulsé de mon paradis dans ce pays de tous les dangers, j'étais perdu, je tombais dans le vide, je mourrais. Puis ces deux bras chauds, les  vôtres, qui m'ont recueilli, étreint, sauvé. Enfin blotti sur votre sein, j'ai reconnu les battements de ce cœur qui avait si longtemps scandé mon nom, jour et nuit, comme une musique. Merci maman pour votre « divine » affection depuis tout ce temps. 
 
Chère maman, plus que brassée d'enfants à chérir, plus que nuits blanches à nous aimer en silence, plus que constance et force à maintenir à flot la barque de notre enfance, plus que sourires et bons conseils sur nos détresses, plus que sagesse et calme sur nos visées, vous nous avez donné une vision des choses et de la vie, une ligne de force droite et sans discontinuité, une philosophie d'être, axée sur l'amour, la générosité et le bonheur de vivre. Merci maman de nous avoir portés, mis au monde, façonnés, aimés. Nous sommes votre continuité souriante et fière de l'être. Merci pour votre rayonnement en nous.
 
Ce que j'aimais de vous maman, c'était votre petit œil rieur et espiègle comme Aline et votre sens envoûtant de la narration détaillée surtout quand elle était ponctuée de rires aux larmes à la Jocelyne. J'aimais votre esprit libre et votre sens du questionnement à la Athanas. J'aimais votre vaillance à l'ouvrage et  votre ténacité astucieuse et perfectionniste à la Sylvie. J'aimais votre côté rebelle et parfois contestataire à la Marjolaine et aussi son opposé discret, réservé, presque timide mais si attachant à la Régis. Finalement ce que j'ai toujours aimé de vous c'est que vous nous ayez donné un père aussi extraordinaire que papa. Merci.
 
Très chère maman,
c'est le moins que l'on puisse dire que le cap de vos 89 ans aura été franchi dans la tourmente d'une mer agitée. Comme un grand voilier dont le mât aurait cédé sous la violence des vents, votre corps, brisé, naviguait désespérément sur des routes inconnues jusqu'à cette semaine sainte où vous vous êtes éteinte à bout de force. Le dimanche des Rameaux aura été votre vendredi saint. Alors que votre corps broyé par la souffrance vous torturait sans relâche, vous vous demandiez encore si le bon Dieu voudrait de vous auprès de lui. «Ai-je assez prié pour en être digne?» - «Chère maman, toute votre vie fut une belle et immense prière ininterrompue», vous répondit alors Jocelyne.
 
La souffrance, telle une vieille clôture qui penche sous le poids des ans, nous rappelle le prix du bonheur. Notre espérance c'est de vous revoir un jour et que le Seigneur, à qui nous avons déjà envoyé le meilleur plombier qui soit, salue et reconnaisse la beauté de votre âme et la grandeur de votre vie terrestre.
 
Au revoir, chère maman; nous vous aimerons toujours; l'éternité sera certainement trop courte pour vous exprimer toute notre reconnaissance.