Seul au monde

Depuis 18 mois nous possédons un chien de race épagneul, au pelage blond-roux et qui a 9 ans. Nous l'avons adopté sur le tard entre autre raison parce qu'il passait ses grands journées seul à la maison, ses anciens maîtres étant au travail. Nous l'avons donc rescapé d'une mer d'ennui. Comme le hasard fait souvent bien les choses,  il s'appelle Wilson, du même nom de marque que le ballon de basket dans le film « seul au monde » avec Tom Hanks dans le rôle du naufragé.

Ce chien, solitaire, peu démonstratif avec ses maîtres (surtout moi) et encore moins avec les voisins, n'aime pas les autres chiens. C'est une sorte d'antithèse du fameux Ratanplan. S'il n'en tenait qu'à lui, Wilson passerait sa vie à l'intérieur, même en été. Comme il ne demande jamais la porte pour faire ses besoins, on l'expulse le matin et le soir pour ses déjections qu'il exécute dans des temps record. On pense qu'il a une vessie de grand danois mais ça reste à vérifier.

En novembre dernier, comme c'était la fête de mon frère Athanas, nous l'avions invité à souper avec Marlène sa conjointe, de même que ma soeur Sylvie et son conjoint Serge Gravel. Puisque nous voulions une rencontre relaxe et sans prétention, tout le monde avait opté pour la tenue de type «pyjama». Comme faire se doit, l'arrivée du fêté et de sa conjointe fut soulignée par nos mots de bienvenue, rapidement dominés par les jappements en cascade de Wilson qui a fait comme s'il ne les avait jamais vus, ni sentis et qu'ils n'étaient pas nos voisins immédiats. Quel crétin ce cabot qui, une fois calmé, a heureusement adopté un profil bas. Comme personne de nos invités n'était allergique, Wilson resta sur le plancher, libre de circulation.
Pendant le repas, des plus agréables d'ailleurs, toute notre attention est concentrée sur ce qui se passe au-dessus de la table. Sauf pour Athanas qui est bien conscient et content de s'être fait un nouvel ami. En effet Wilson est couché à ses pieds. Comme il est familier avec les chiens et qu'il en possède un lui-même, notre fêté le tolère sans en faire mention aux cinq autres convives. Et le souper s'étire dans une atmosphère où les mets et la conversation se font savoureux. Curieusement Wilson s'est fait plus discret que d'habitude, car il lui arrive régulièrement de solliciter une rançon sur les restes de table. Serait-il devenu plus civilisé? Wilson se serait-il dégonflé? Nous eûmes la réponse quand vint le moment de nous lever de table. Athanas, qui arborait un pyjama neuf à son arrivée, portait dorénavant un pyjama au bas de pantalon frangé. En effet sur une quinzaine de centimètres son bas de culotte avait été mâchouillé par nul autre que Wilson qui l'avait mis en lambeaux. C'est sûr que c'est "chien". Copieusement mastiqué, imbibé de bave et lacéré, le pantalon de mon frère ne payait pas beaucoup de mine. Et notre jubilaire, seul au monde, avait plutôt l'air d'un naufragé sur son radeau, en pleine mer. Bien sûr personne n'a ri mais beaucoup ont transpiré des yeux.