Laissez-moi vous présenter une jeune femme qui œuvre dans l'ombre du secteur agroalimentaire de notre région depuis quelques années : Dre Christine Fortin, vétérinaire de grands animaux, un métier peu connu et qui sort de l'ordinaire.
Une passion dans l'âme
Originaire d'Albanel, Christine habite Shipshaw depuis 2012. Sa passion s'est révélée très jeune chez elle. Elle me raconte que dès l'âge de 5 ans elle affirmait haut et fort qu'elle voulait être vétérinaire et non pas médecin comme sa mère l'aurait souhaité. Christine a côtoyé les animaux très tôt grâce à son voisin qui achetait des animaux un peu partout pour ensuite les revendre. Ce dernier était excellent dans la vente mais moins dans le soin aux animaux. C'était plutôt sa femme et ses enfants qui honoraient cette tâche, ce qui a permis à Christine d'apprendre à veiller au bien-être des animaux de la ferme.
Elle prenait donc un grand plaisir à donner à boire et à manger aux vaches, poules, chèvres, lapins, etc, bref tout ce qui se retrouvait chez le voisin. Elle revenait souvent avec les cheveux emmèlés et la senteur de la ferme au grand désespoir de sa mère. Celle-ci lui a même interdit pendant un temps d'y aller, car elle craignait qu'il lui arrive un accident. Malgré cela, Christine se sauvait pour aller rejoindre les animaux.
Elle me raconte aussi qu'elle volait les boites de diachylons à la maison pour pouvoir soigner les bobos de ses protégés. Sans compter qu'elle adoptait souvent sur une base régulière un lapin, un chat, un cochon ou autre qu'elle ramenait à la maison. Bref, sa passion est en elle depuis fort longtemps et ne la jamais quittée.
L'attachement ultime
Vers la préadolescence, son grand-père et son voisin ont décidé de lui donner un cheval. Christine s'est donc retrouvée propriétaire d'un jeune poulain de 7 mois qui devint vite son fidèle ami. L'été le cheval était installé dans l'écurie de son grand-père et l'hiver il était en pension au centre équestre de Dolbeau. Pour payer la pension de son cheval, elle a commencé à travailler à 13 ans au dépanneur du coin.
Malheureusement, la relation avec son cheval prit fin tragiquement lorsque celui-ci avait trois ans. Ce dernier succomba à une colite gazeuse ultra-violente. Cette immense peine lui fait dire, encore aujourd'hui, qu'elle n'aura plus jamais de chevaux, car la peine est trop difficile à supporter. Par contre, elle utilise cette expérience dans son métier pour comprendre les sentiments et les liens que vivent les propriétaires de chevaux.
Son parcours
Malgré la perte de son cheval, rien n'a fait détourner Christine de son désir profond de devenir vétérinaire. Elle a complété son Cégep en sciences pures dans la région et poursuivi en agronomie pendant trois ans à l'Université Laval. Elle a ensuite fait sa demande d'admission à St-Hyacinthe en médecine vétérinaire où elle fut acceptée dès la première fois.
Elle s'engage alors dans le programme universitaire de cinq ans qui mène au titre de docteur en médecine vétérinaire. Pendant ses études, Christine travaille pendant trois ans à l'hippodrome de Montréal où elle acquiert de l'expérience avec les chevaux de course. Elle gradue en 2009 et devient membre de l'Ordre des Médecins Vétérinaires du Québec (OMVQ).
Elle fait alors le choix de revenir en région, malgré de belles opportunités qui s'offrent à elle ailleurs. Elle débute à la clinique de Nadia Tremblay à St-Félicien. Elle poursuit plus tard son parcours à la clinique Services vétérinaires Jeannois d'Alma (anciennement Carcajou). Hors la vie lui réservait quelques surprises. La retraite repoussée d'un collègue et des changements administratifs sont survenus et surtout, elle tombe enceinte. Ainsi les événements et la naissance de son garçon font qu'elle réoriente sa carrière pour devenir travailleure autonome en 2014.
Ainsi, depuis 1 an, Dre Fortin pratique auprès des grands animaux de la région à son compte. Elle couvre essentiellement la région du Saguenay-Lac-Jean, la Côte-Nord et Charlevoix. Sa clientèle principale ce sont les propriétaires de chevaux, vaches, porcs miniatures, moutons, lamas, alpagas et cervidés.
Son plus grand défi est la conciliation travail famille. Oeuvrant avec les animaux, elle sait quand elle part le matin, mais ne sait jamais l'heure à laquelle elle revient. Depuis sa transition comme travailleure autonome, elle ne manque pas d'ouvrage (près de 250 clients) et elle adore pouvoir gérer ses déplacements selon les secteurs et les cas prioritaires. Elle envisage d'ailleurs ouvrir un bureau et s'adjoindre un deuxième vétérinaire ainsi qu'un ostéopathe équin.
Qualités requises
Selon elle, l'une des principales qualités que doit posséder un vétérinaire, en plus de l'amour des animaux, est le sens de l'observation, car un animal n'exprime pas verbalement sa douleur. La personne doit donc posséder un sens aigu de l'observation autant de loin que de proche. À cela s'ajoute une grande méthodologie lors de l'examen physique pour arriver à un bon diagnostic. Le calme est également une qualité très importante pour administrer des soins animaliers. Si vous êtes préoccupés ou distraits, l'animal va choisir ce moment pour réagir et vous ramener les deux pieds sur terre, et c'est là que les accidents peuvent arriver, précise t-elle.
Un autre atout est le sens de l'écoute, car il faut travailler de concert avec le propriétaire de l'animal. Ce dernier est celui qui connait le plus l'animal et qui peut exprimer les signes et symptômes qu'il a observés. Mais en même temps, le professionnel doit aussi faire abstraction de ces informations pour établir sa propre évaluation clinique. Parfois il est nécessaire d'utiliser des tests de laboratoires pour des prélèvements sanguins, des échographies, etc. pour confirmer un diagnostic.
De plus, il faut être en mesure de s'adapter aux besoins et à la réalité du propriétaire. Le soin ne sera pas le même pour un propriétaire de vache laitière pour qui sa vache est plus une relation financière de production de lait mensuelle par exemple. Tandis qu'un propriétaire de cheval aura davantage une relation émotive avec son animal, car il s'agit de son animal de compagnie. Donc une grande part du métier est de traiter avec le client et l'autre part de soigner l'animal selon un plan d'intervention qui corresponde à l'objectif ciblé.
Selon Dre Fortin, la partie la plus difficile du métier demeure l'euthanasie. Comme elle m'explique, les vétérinaires sont formés pour soigner et guérir et non pour mettre fin à la vie d'un animal. Alors, lorsqu'ils vivent de tels moments, cela est toujours intense et particulier. Pour cela, il faut être capable de faire abstraction de son amour des animaux et de sa propre peine.
Elle me raconte qu'un des événement les plus marquants de sa pratique est sans nul doute le jour où elle a dû euthanasier un cheval lors du festival du Cowboy de Chambord. Il s'agissait du champion provincial de sa catégorie et il a malheureusement subit une fracture au membre postérieur en sortant de l'enclos. Vous pouvez imaginer devoir euthanasier un cheval devant des centaines de spectateurs sous le choc…
Une variété de services
Castration, chirurgie, vaccination, dentisterie, accouchement, césarienne etc, sont autant de défis que côtoient au quotidien Dre Christine Fortin. Aucune journée ne se ressemble dans ce métier. Il est donc important d'avoir une bonne capacité d'adaptation. La capacité physique est importante, mais tout de même réaliste pour une femme si elle utilise les bonnes méthodes de travail. Pour sa part, elle adore tout ce qui touche la chirurgie et l'obstétrique. Les propriétaires sont appelés à l'assister lorsqu'elle doit procéder à une chirurgie. Pour elle, une belle césarienne ou un accouchement est un petit bonbon dans sa journée.
Dans la dernière année, elle a complété une formation à l'hôpital vétérinaire de St-Hyacinthe lui permettant de faire le transfert et l'implantation d'embryon pour les vaches et les chevaux. Elle peut dorénavant accompagner un éleveur dans le processus de reproduction d'un animal de qualité supérieure. Elle ajoute ce service, car il correspond à un aspect recherché parmi les producteurs et les éleveurs équins, car il existe un réel marché pour ce type de procédé. Ce dernier demande plusieurs étapes et doit se faire en étroite collaboration avec l'éleveur. Un investissement pour celui-ci qui peut devenir très rentable à la revente si la reproduction est réussie avec succès, mais le résultat n'est jamais garanti au départ.
Cette entrevue m'a permis de découvrir tout un univers caché des soins aux grands animaux qui se déroule chez-nous dans l'ombre. Pour les propriétaires bovins et équins, une ressource professionnelle est essentielle et un atout majeur pour la région.
Qui sait un jour vous croiserez peut être Dre Fortin sur une ferme près de chez-vous en train de soigner un cheval ou une vache. Si c'est le cas, prenez le temps de la regarder danser avec sa passion…
Les photos de l'article et de la Une,
sont une courtoisie.