Des poids et des mesures
Quelques minutes de douleur et de haine. Joyce Echaquan a eu la bonne idée de filmer les traitements inacceptables qu'elle a subis peu de temps avant son décès à l'hôpital de Joliette. Cela ne lui a pas sauvé la vie, mais aura permis de prendre sur le fait une équipe médicale aux propos inacceptables et de relancer des débats de société.
Rien de bien nouveau dans le plus meilleur pays du monde ou même dans la Belle province, sauf le fait que cette fois, c'était filmé et publié à la face du monde.
Quelques semaines après son décès, on peut dire que le débat a déraillé. Plutôt que de se demander pourquoi tant d'autochtones avant elle ont subi des traitements inacceptables sans être crus, on attend juste que le premier ministre François Legault prononce les mots magiques «racisme systématique».
Comme si l'autoflagellation peut nous libérer de nos péchés et nous permettre de passer à autre chose.
Le surlendemain de son décès, un collègue journaliste a demandé aux Innus via les réseaux sociaux si certains d'entre eux avaient vécu des expériences similaires. Ça n'a pris au collègue que quelques heures pour avoir une "trollé" de témoignages.
On ne parle pas d'impolitesse à la réception, mais des décès survenus dans des circonstances discutables.
C'est déjà difficile de porter plainte dans le réseau de santé, mais la tâche devient virtuellement impossible lorsqu'on ne sait pas à qui s'adresser et surtout si on ne vous croit à aucun niveau de votre démarche, simplement parce que vous êtes autochtone.
À mon humble avis, la priorité est de tout mettre en œuvre pour faire des Nations autochtones des partenaires pour affronter le futur. Je me permets de le rappeler, il n'y aurait pas eu de présence francophone en Amérique sans l'aide des autochtones.
Mais, s'il faut parler de racisme systémique, mettons-nous à la place d'un nouvel arrivant qui découvre petit à petit la réalité de la province.
Nous sommes pas loin de 8.5 millions de Québécois, un peuple à forte majorité francophone, mais qui compte quand même plus de 400 000 non-francophones, une minorité essentiellement anglophone.
Vous arrivez au Québec en connaissant seulement l'anglais comme seconde langue. On s'empresse de vous envoyer à temps plein en classe de francisation.
On vous fait comprendre que bien que l'anglais soit une langue officielle au Canada, c'est plutôt mal vu de s'adresser à quelqu'un dans la langue de Shakespeare.
Sauf, si vous faîtes partie de la communauté anglophone historique qui vit dans certains coins de la métropole ou dans les Cantons-de-l'Est.
Dans ce cas vous auriez droit à des programmes spéciaux pour aider votre communauté à se développer.
Vous vous préparez à l'examen de citoyenneté pour devenir Canadien. On souligne l'apport des peuples autochtones dans l'histoire du pays, sauf que si vous ouvrez un journal, vous comprendrez que cette reconnaissance historique ne se traduit nullement dans la réalité.
Puis vous tomberez sur un article portant sur le décès de Joyce Echaquan, puis éventuellement sur un autre portant sur la crise d'Oka.
Au Canada, il y a plusieurs poids et plusieurs mesures. Ce n'est pas nécessaire d'avoir un débat sur la définition ou l'existence du « racisme systémique » pour le savoir.
Des enquêtes sont en cours pour faire la lumière sur les circonstances du décès de Joyce Echaquan. On pourra probablement savoir si des erreurs médicales ont été commises et qui sont les fautifs.
Ces enquêtes ne permettront malheureusement pas de faire justice aux traitements douteux qu'ont pu subir d'autres autochtones dans le système de santé encore moins de lutter contre les iniquités sur le fond.
Pour cela, il faut arrêter de s'obstiner sur la définition de concepts et se demander ce qu'on peut faire comme individus.