Après 23 ans d'absence le magnifique oiseau du monument est venu se réinstaller sur son socle de granit, un monolithe d'environ 2 tonnes (10, 000 livres).
Son départ à l'automne 1997 n'avait rien à voir avec la migration des outardes. À vrai dire il s'agissait plutôt d'un vol que d'une envolée. S'il trône à nouveau sur l'imposant monument réalisé à la mémoire des disparus de Jean-Vianney, ce n'est pas par repentance de celui ou ceux qui l'ont dérobé ou vendu pour quelques pièces, mais bien grâce à son créateur, le sculpteur Serge Beaumont.
Comme pour Jacques Gravel et Benoit Girard et tous ceux qui faisaient partie de la Jeune Chambre de St-Jean-Vianney-Shipshaw et qui avaient mené à bien ce projet à partir de 1971, Serge Beaumont avait eu le cœur brisé d'apprendre que son œuvre avait été tronquée, mutilée, dépouillée de sa signification profonde. En effet la pierre dans la partie basse, tout en rondeurs, simule le mouvement et les forces de la terre qui s'agitent pour avaler les blocs aux formes cubiques de la partie haute et qui représentent les constructions humaines. Triste mais puissante symbolique associée au sinistre de St-Jean-Vianney. L'oiseau quant à lui représente l'espoir des survivants puisqu'il a les ailes déployées et s'élance dans le ciel.
Sculpté en bas-reliefs dans la pierre, le message de sa conjointe, Cécile Doran, qui a inspiré l'artiste dans cette création :
« On devrait être comme l'oiseau qui vole bien haut et qui passe au-dessus du malheur pour rebâtir son nid ailleurs. »
Si Serge Beaumont tenait si intensément à redonner tout son éclat à cette œuvre, c'est d'abord parce qu'il s'agit de sa première grande réalisation; il faut en effet remonter à 1974 alors que l'artiste était au début de la vingtaine. Disons également que Serge est originaire du Saguenay et qu'il en est fier. Une œuvre de cette taille demande de son créateur une force physique et une ténacité hors du commun, mais c'est aussi et surtout une affaire de cœur. Pour les gens de St-Jean-Vianney qui souligneront l'an prochain le 50e anniversaire de cette immense catastrophe, Serge, mais aussi ville de Saguenay, auront conjugué leurs efforts pour redonner à l'œuvre son intégralité et, ce faisant, toute sa puissance d'évocation.
Il y a quelques semaines, c'est dans la poussière et le bruit, rectifieuse en main, masque au visage que Rolande et moi avons rencontré Serge que nous considérons comme un ami de longue date. Le travail du sculpteur en est souvent un de solitaire mais le résultat est impressionnant. Il a plané le socle de béton au complet, tourné l'imposant bloc de pierre sur 180e degrés de façon à ce que le message gravé soit lisible de devant et il a refait l'oiseau au complet : le concevoir (presqu'un mètre de haut), réaliser le moule, couler l'aluminium, l'installer sur la base après avoir agrandi l'orifice d'accueil, fixer le tout en ajoutant au pied de l'oiseau, en guise de garantie antivol, une petite forêt d'épinettes en inox.
Le résultat est extraordinaire, surprenant, lumineux, tout à fait à l'image d'un petit village qui ne veut pas mourir.
Merci à toi Serge, pour ta grandeur dans l'humilité, pour ton amitié chaleureuse et pérenne merci enfin d'avoir eu cette géniale intuition d'inscrire dans l'aluminium et la pierre les douleurs et les espoirs des gens de St-Jean-Vianney. Merci à Julie Dufour et à la ville pour avoir rendu possible cette nécessaire restauration.
J'ose croire, chers Shipshois et anciens de la diaspora de St-Jean-Vianney que vous vous ferez un honneur et une fierté de visiter l'œuvre, de la protéger et de l'attacher précieusement à vos souvenirs.