Un, deux, trois Québecs
Il y a plus de 8 500 00 Québécois sur le territoire et dix-sept régions administratives, mais combien de Québec? Une, deux, trois provinces qui coexistent sur un même coin pays en se parlant très rarement.
C'est en voyant la mobilisation citoyenne qui s'est organisée pour éviter que quelques dizaines de chevreuils en surpopulation au parc Michel-Chartrand à Longueuil soient euthanasiés que je me suis heurté à cette réalité.
Mettons les choses au clair; il n'y a rien de plus important que la préservation des écosystèmes et des animaux. Pourquoi je me permets cette chronique? C'est que plusieurs biologistes ont pris parole pour dire que ce n'est pas possible de « déplacer » des chevreuils.
C'est, semble-t-il, un animal qui ne peut pas tolérer un grand stress comme celui d'être déplacé et le taux de mortalité parmi les chevreuils relocalisés risque d'être élevé, selon les spécialistes.
Mais d'euthanasier des chevreuils à Longueuil c'est pas chouette, vaut mieux les déplacer loin et les laisser mourir tranquilles.
Loin des yeux loin du cœur.
Je me demande ce que Michel Chartrand en aurait pensé.
La chasse comme culture
Il y a un Québec de régions qui a la chance d'avoir accès aux grands espaces qui ne sont pas menacés dans l'immédiat par le développement urbain et les changements climatiques.
En 2019, il s'est tué par la chasse 47 600 chevreuils, toutes régions et toutes armes confondues, selon les plus récentes statistiques du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.
Il existe au Québec une grande culture de chasse et de pêche avec ses magasins, ses événements, ses magasines et même ses émissions de télévision.
Je ne crois pas que ces gens soient davantage en faveur de la pollution et de la destruction des environnements naturels que la moyenne québécoise. Et jusqu'à preuve du contraire, la chasse est strictement encadrée par le ministère (MFFP).
Mais avouons-le, il y a tout un monde qui sépare l'amateur de chasse du client régulier d'une épicerie bio et a fortiori qui le sépare d'un défenseur des chevreuils de Longueuil.
La preuve en est qu'il y a deux ou trois Québecs qui n'ont que peu en commun et qui ne se parlent pas souvent.
Le troisième Québec
On peut défendre les chevreuils du parc Michel-Chartrand ou chasser 47 600 chevreuils par année, mais être indifférent au fait que ces deux réalités cohabitent au sein du même peuple c'est un peu spécial.
Et le ravin s'enfonce bien plus profond que le seul sujet de la chasse. Nos régions sont peu entendues et leur réalité peu connue.
Notre démographie est un entonnoir avec tous nos territoires qui se vident vers Montréal, il y a des enjeux d'accès à la technologie, de transport, d'emplois et de qualité de vie.
On est 8.5 millions, faut se parler!
Si vous prenez un instant pour vous promener au coeur de Chicoutimi, Alma, Sept-Îles et de plein d'autres petites villes loin des grands centres, vous remarquerez qu'une troisième province est en train de se former.
Des jeunes et moins jeunes qui ont à coeur de développer leur coin de pays à eux, sans copier ce qui se fait dans les grandes villes et sans rêver de quitter leur région.
Un troisième Québec en quelque sorte, le Québec des régions branchées, des initiatives locales, de l'implication citoyenne (comme votre journal La Vie d'Ici) et des entrepreneurs ingénieux.
En 2021, faisons l'effort d'encourager ce Québec de demain, qui saura faire le pont entre les chevreuils du parc Michel-Chartrand à Longueuil et les chasseurs de nos régions.