Le 21 novembre 2024
Volume 42, Numéro 9
Opinion

S'asseoir sur son steak

Je me souviendrai toujours de mes dernières chops de porc. C'était durant le dernier été que j'ai passé à Chicoutimi. Il me restait à ce moment un an de Cégep à compléter, mais je savais que mon stage de fin d'études collégiales m'emmènerait à l'extérieur du Saguenay un an plus tard et que j'en étais à mes derniers mois au Royaume. 

Je travaillais à ce moment au confortable salaire minimum dans une petite épicerie de la rue Bégin qui était à quelques mois de me mettre subtilement à la porte après avoir demandé de diminuer mes heures pour me permettre d'étudier. J'entends mes anciens patrons me remercier de ne pas nommer le commerce et je leur réponds «?Bienvenue?». 

Côté financier, ce n'était pas Wall Street, mais je commençais à avoir des trucs pour minimiser mes dépenses malgré mes maigres revenus. Bref, je souhaitais économiser assez de sous pour passer l'année scolaire à venir sans trop de soucis. 

J'ai donc pris une décision qui m'affecte encore aujourd'hui. 

Innocemment, et sans m'attendre d'aucune façon aux conséquences qui ont suivi, je me suis rendu au Super C pour me procurer un paquet de côtelettes de porc qui s'avéraient être en rabais cette semaine-là en format familial. 

FAMILIAL. Comme dans famille de trois enfants et deux adultes. Mais j'étais seul pour les manger. 

Pour ne pas gaspiller une telle quantité de viande, je m'étais assuré de les diviser avec du papier parchemin avant de les mettre au congélateur. J'avais donc tout le luxe de faire dégeler une côtelette à la fois jusqu'à ce que mort s'en suive. Parce que le ou plutôt les porcs dans mon congélateur avaient beau être en pièces détachées, ils n'avaient pas dit leur dernier mot. Comme on dit dans le milieu sportif, ils m'ont eu à l'usure.

L'expérience avait tout de même bien débuté. Une côtelette cuite dans la poêle avec un peu de beurre et du ketchup. C'est vite fait et avec des légumes frais en accompagnement, ça peut être un repas intéressant qui bouche un coin. 

Mais voilà, après la douzième côtelette c'était trop et le moral a flanché. 

Cet été-là, j'ai fini mon paquet de côtelettes de porc en format familial et je n'en ai jamais racheté. Je ne mangeais déjà plus de poulet à cause d'une expérience similaire antérieure et manger du bœuf de qualité sur une base régulière était déjà à cette lointaine époque hors de prix pour un budget étudiant. 

Connaître les alternatives

Cette expérience, le fait d'avoir grandi en milieu rural et d'être informé sur la réalité et l'impact de l'élevage d'animaux pour la consommation (et le prix de celle-ci) a fait que je suis devenu en quelque sorte végétarien pour les «mauvaises raisons». L'argument éthique sur la cruauté animale ne m'intéresse guère; le monde est un endroit cruel autant pour les humains que les animaux, mais j'avoue que l'impact de l'élevage sur l'environnement m'inquiète. 

Entendons-nous, je ne fais pas partie des radicaux de cette tribu. J'accepte sans broncher un repas contenant de la viande, mais la viande ne se retrouve définitivement plus dans mon réfrigérateur. L'augmentation du prix de la viande n'est pas près de s'arrêter, paraît-il. C'est même l'un des éléments, avec l'augmentation du coût des produits laitiers et surtout le prix de l'essence, qui entraînent l'augmentation du coût de la vie.

Le lecteur se dit peut-être «il peut ben parler le journaleux avec son tofu pis son quinowâ», mais voilà, mon point est le suivant: lorsque le porte-monnaie ne suit plus, pourquoi s'éreinter à mettre de la viande dans son panier d'épicerie? 

S'il y a quelque chose que j'aurais aimé qu'on m'explique plus tôt, c'est la possibilité de concocter, tous les jours, des repas complets, équilibrés et variés sans y mettre de viande. 

Avoir commencé plus tôt à faire mon épicerie comme je le fais aujourd'hui, ce sont des centaines ou des milliers de dollars que j'aurais pu économiser et mettre dans mes REER! Je blague bien sûr, à croire qu'un jour que je pourrai prendre ma retraite. Faut pas croire tout ce qu'on nous dit. 

Le coût astronomique de la viande est là pour rester,  alors il faudra s'outiller peu importe notre âge pour contourner le problème et ne pas s'appauvrir en tenant à notre steak haché dans notre pâté chinois. 

Un jour quelqu'un fera une reprise de La Petite Vie et Thérèse mettra des haricots noirs dans sa recette et révolutionnera nos habitudes alimentaires. 

On va se le dire et passer à autre chose?: la viande c'est cher, ça pollue la planète beaucoup et ce n'est pas si bon pour la santé. 

S'asseoir sur son steak

Prenant l'expression s'asseoir sur son steak au sens littéral, j'ai fait l'exercice suivant?: un morceau de viande est-il un mobilier de luxe pour peu que l'on veuille s'asseoir dessus?

La réponse est?: oui! 

Sur le site web de Canac, il faut descendre jusqu'à un fauteuil tendance se détaillant à 249 $ pour égaler le prix d'un bifteck de surlonge, kilo pour kilo. 

(Le fauteuil irait particulièrement bien dans mon salon. Je suis ouvert à vous fournir des recettes végé pendant un mois si vous voulez me l'acheter.) 

Alors, payez vous du luxe et mangez végé.