Retour sur la campagne partie 1
S'il y a quelque chose que j'ai trouvé fascinant durant la campagne électorale, ce sont les quelques réminiscences d'engagements électoraux basés sur les simples pressentiments et la direction des vents.
À l'heure où – heureusement – les avis scientifiques prennent de plus en plus de place dans les plateformes des partis; pensons aux engagements en environnement, il reste quelques zones d'ombres où les idées n'ont rien pour s'appuyer. Les cibles en immigration en sont le meilleur exemple.
Le Québec va accueillir 70 000 immigrants permanents en 2022, une année de rattrapage après la pandémie. Pour certains, ce chiffre est trop élevé et d'autres aimeraient voir la province ouvrir davantage ses portes.
Un bref survol des cibles des différents partis : le Parti québécois veut diminuer le seuil à 35 000 immigrants permanent par année, le Parti conservateur du Québec tout comme la Coalition Avenir Québec veulent maintenir les seuils à 50 000 personnes et le Parti libéral et Québec Solidaire veulent augmenter ce seuil (jusqu'à 70 000 pour le PLQ et 80 000 pour QS).
Aucun parti n'a proposé de méthodologie rigoureuse pour expliquer ce chiffre. Nous allons leur en proposer une.
D'emblée, il y a consensus pour dire que les immigrants doivent s'intégrer à la population francophone majoritaire. L'état québécois offre un certain nombre de services pour aider à l'intégration, soit directement avec les cours de francisation par exemple, ou indirectement en subventionnant des organismes et des initiatives dédiées aux immigrants.
L'intégration n'est pas un processus qu'on complète à une date prédéterminée. Les seuils d'intégration sont annuels, mais un immigrant a besoin de plus d'une année pour s'intégrer et faire sa place dans sa société d'accueil.
Donc, qu'est-ce qui détermine le nombre idéal d'immigrants par année? En considérant que chaque Québécois et Québécoise contribuent d'une façon ou d'une autre à l'intégration des nouveaux arrivants, il faudrait 242 Québécois pour intégrer chaque immigrant selon les chiffres du PQ ou 121 Québécois selon QS et le PLQ.
Évidemment, ces chiffres ne font pas de sens. Il n'y a pas 242 Québécois qui seront en contact exclusivement avec un seul nouvel arrivant. Les personnes qui travaillent au sein des services d'intégration sont en contact avec des dizaines ou des centaines d'immigrants et une partie de la population actuelle de la province est elle-même issue de l'immigration récente, donc des personnes qui sont elles-mêmes en phase d'intégration.
Faut-il alors considérer uniquement les ressour-ces humaines consacrées à l'immigration? Le ministère de l'Immigration (MIFI) compte près de 2000 fonctionnaires. S'ajoutent à ceux-ci les profs de francisation, les ressources en immigration des instances municipales et des MRC et les employés et bénévoles des organismes d'aide aux immigrants. Difficile de mettre un chiffre exact, mais il y a certainement quelques milliers de personnes qui se consacrent à temps plein à l'immigration au Québec.
Encore une fois, impossible de dire qu'un(e) fonctionnaire du MIFI est à lui ou elle seule responsable de l'intégration réussie de centaines d'immigrants.
Évitons aussi de trop s'attarder aux demandes du Conseil du patronat qui aimerait voir l'arrivée de 80 000 immigrants. Une récession se pointe à nos portes et le plein emploi ne durera pas éternellement. Par contre, ces gens que l'on accueille ont droit à une qualité de vie à long terme et pas seulement pour combler des offres d'emplois à court terme.
Il y a une évidence qui est difficile à quantifier : un immigrant qui arrive dans une communauté accueillante en région sera beaucoup plus vite intégré à sa société d'accueil que dans un grand centre urbain ou l'immigration fait davantage partie du paysage. En ce sens, les régions du Québec ont probablement une capacité d'accueil plus grande que la métropole, d'un point de vue strictement social.
Il faut aussi clarifier pourquoi nous accueillons des immigrants au Québec. Une question qui semble bien simple, mais qui vaut la peine d'être abordée dans notre recherche d'une méthodologie pour déterminer les seuils d'immigration.
Est-ce pour aider des individus à la recherche de meilleures perspectives de vie? Peut-être au contraire que ce sont les immigrants qui aident le Québec en contribuant en grande partie à la croissance démographique et en ralentissant le vieillissement de la population?
Prenons la dernière option pour nous guider et revenons à la question initiale du seuil à déterminer.
Deux éléments supplémentaires à considérer : d'abord le nombre d'immigrants qu'un territoire donné a accueilli dans les années précédentes et ensuite le pays d'origine des immigrants. Non pas que certains immigrants ne puissent pas s'intégrer en raison de leur origine ethnique – je vais laisser ces idées-là aux mauvaises langues – mais parce que le Québec, comme société distincte, a davantage de liens avec certaines régions du monde.
L'exemple le plus évident de ce deuxième point est au niveau de la reconnaissance des études auprès des employeurs. Nous pouvons pour la plupart nommer plusieurs universités américaines et européennes, mais qui saurait classer les meilleures écoles de l'Asie du Sud-Est ou de la Russie? Difficile de défendre ses compétences alors que votre interlocuteur ignore presque tout de votre pays d'origine.
Tout cela pris en considération, il apparaît absurde de se déchirer sur un seuil global d'immigration annuel. Il faut au plus vite travailler à des seuils régionaux avec des incitatifs pour garder les immigrants à l'extérieur de la métropole. Pour réellement permettre aux nouveaux arrivants de s'installer en région, il faudra décentraliser les services et miser sur le numérique pour mettre en contact les ressources en immigration avec les besoins sur le terrain.
Ma suggestion en immigration au nouveau gouvernement : décentraliser davantage les services aux immigrants, préparer les nouveaux seuils d'immigration en collaboration avec les municipalités et développer un véritable arsenal de mesures incitatives à l'établissement durable des immigrants en région.