Le 22 décembre 2024
Volume 42, Numéro 10
Opinion

Le téléfon

L'énigme du siècle, je l'ai résolue un peu avant les fêtes. Les cellulaires permettent-ils aux utilisateurs de gagner du temps au quotidien ou sont-ils au contraire une source de perte de temps? Je peux vous garantir, après un test scientifique fortuit dans des conditions réelles que le bilan est au négatif et que ces petits ordinateurs dans nos poches sont bel et bien une perte de temps.

Revenons un peu en arrière. J'ai développé, surtout au courant de la dernière année, un dégoût profond de l'ordinateur. Pas de l'internet ou des nouvelles technologies, de l'ordinateur, qu'il soit portable ou pas, comme objet.

Dans la semaine, c'est un outil de travail. Mais l'idée même de l'utiliser à la maison en dehors des tâches professionnelles me fait frémir d'angoisse. C'est presque une phobie. J'ai pris l'habitude d'arriver au bureau une heure, voir deux heures plus tôt certains jours, pour faire le minimum des tâches qui doivent s'accomplir sur ces infâmes machines que sont les ordinateurs portables plutôt que d'utiliser le mien à la maison. Pourtant, dans ma prime jeunesse, avant l'arrivée des cellulaires, l'ordinateur était un moyen de communication que j'appréciais, avec MSN et Facebook qui permettaient de poursuivre les discussions de cours d'école.

Conscient que l'ordinateur est tout de même un outil beaucoup plus utile que le cellulaire pour accomplir plusieurs tâches, j'évite de m'aventurer à tenter d'écrire avec mes deux pouces des textes de plus de six mots sur l'écran large de sept centimètres ( en comptant l'étui). 

Le cellulaire, je l'utilise allègrement et sans arrière-pensée. Actualités, musique, GPS, appels, Facebook et quelques jeux pour me divertir; les usages sont divers et l'appareil a surtout l'avantage de réunir différentes fonctions qui autrement nécessiteraient différents appareils.

Mais tout de même. Au fil des derniers mois, j'ai commencé à me questionner sur l'usage du téléphone intelligent, surtout en étant conscient de mon aversion pour l'ordinateur. Peut-être devrai-je me discipliner davantage et laisser le téléphone loin de moi une partie de la journée? Soyons honnêtes, le téléphone intelligent avec ses applications qui clignotent, son instantanéité et son écran brillant à souhait est un peu comme du fast-food intellectuel.

Bref, avant Noël alors que je conduisais les quelques 2300 kilomètres pour aller (en Australie) visiter ma famille, mon cellulaire a décidé de jeter l'éponge au tout début du trajet. La radio de ma voiture ayant déjà rendu l'âme il y a bien longtemps, s'en était terminé de la musique, a fortiori du GPS et impossible de donner des nouvelles à mes proches de la progression de mon expédition via les provinces maritimes.

En tout, je suis resté sans téléphone intelligent huit jours. Les premiers deux jours sans téléphone du tout et le reste avec un téléphone pas intelligent. C'est bien peu pensez-vous, mais suffisant pour en tirer certaines conclusions.

Bilan des courses : Sur de longues distances à l'extérieur des centres urbains où le réseau routier est complexe, le GPS n'est pas utile. Mon voyage a été beaucoup plus agréable en m'arrêtant de temps à autre pour demander mon chemin, comme dans l'ancien temps. Ceci est devenu si rare pour les commis des dépanneurs et des stations-services d'avoir de tels voyageurs égarés que tous étaient très heureux de pouvoir m'aider.

Secundo, la musique est distrayante, mais la route peut l'être également. Il y a plein de détails qui sont faciles à ignorer lorsque nous sommes suffisamment distraits par la musique ou la radio pour errer dans nos pensées. Sans bruit, j'étais plus attentif aux types de forêts que je traversais en autoroute, à la campagne environnante, au type de voitures que je croisais sur la route, etc.

Tercio, Facebook et les jeux mobiles sont de véritables plaies qui gaspillent chaque seconde qui y sont consacrées.  Au même titre que la cigarette, ces applications raccourcissent la vie. Il y a moyen de se divertir autrement, vaut mieux les vrais livres et jusqu'à un certain point les consoles de jeux vidéo.

Loin de moi l'idée de vous demander de tous jeter vos téléphones intelligents dans les eaux du Saguenay (d'ailleurs ça ne serait pas super écologique), mais avouons qu'il serait sain de questionner notre utilisation de temps à autre.

Surtout que le débat n'est pas entre le téléphone intelligent et le télégraphe, mais entre beaucoup et moins beaucoup de téléphone intelligent dans nos vies ou peut-être entre le téléphone intelligent et le téléphone cellulaire de base, devenu une rareté.

Une petite note sur le téléphone pas intelligent. Malgré ce que son nom laisse comprendre, l'appareil sait calculer, envoyer des textos, prendre des photos et appeler. La qualité des communications dépend toutefois de l'utilisateur et non pas de l'interface. Si vous chantez des bêtises, votre interlocuteur les recevra, que votre téléphone soit intelligent ou pas. Finalement, vaut mieux être intelligent soi même que de posséder un téléphone qui l'est. 

Ce n'est pas tellement que le cellulaire est un objet si utile, c'est que la société s'attend à ce que nous soyons tous branchés sur les atouts qu'offrent les téléphones intelligents, que nous soyons rejoignables en quelques secondes via tous les moyens de communications possibles et imaginables.

Pour reprendre le doute de Nino Ferrer :

-           Gaston, il y a le téléfon qui son. Peut-être bien qu'c'est importon?

Ce n'est probablement pas important, Nino. Laisse-le sonner.