Le 22 décembre 2024
Volume 42, Numéro 10
Pour ne pas oublier
Reportage

Pour ne pas oublier

« Un souvenir heureux est plus vrai bien souvent que le bonheur. Plus vrai que tous les mots du fond du cœur. L'oubli est un affreux voleur ».

(Chanson interprétée par Diane Dufresne). 

C'est pour ne pas oublier le parcours hors de l'ordinaire et passionnant de Juliette Guy que le journal la Vie d'ici l'a rencontrée. 

Juliette Guy demeure présentement à Shipshaw.  Elle est née à Bégin en 1946.  Elle est l'ainée d'une famille de 11 enfants vivants. 

Toute petite, Juliette était très sensible à la situation difficile que la communauté noire vivait. Les images qu'elle regardait à la télévision lui faisait dire à sa mère: «quand je vais être grande je vais aller en Afrique, je vais les aimer, je vais réparer la haine». 

A l'âge de 17 ans, elle est entrée dans la communauté des missionnaires de l'Immaculée Conception à Chicoutimi sous le nom de sœur Jean-Marie Vianney. 

Le parcours d'une missionnaire

C'est à Chicoutimi que Sœur Jean-Marie Vianney a appris son métier d'infirmière; on peut appeler cela une vocation.  «J'aimais les bébés je voulais travailler en salle d'accouchement».  Elle a fait ses études au CEGEP de Chicoutimi, les premiers pas d'une grande aventure qu'elle allait vivre très loin de chez elle.  

Son plus grand désir était d'aller servir sa congrégation en Afrique; à cette époque les besoins étaient plus importants en Asie. « J'avais fait le vœu d'obéissance ». Elle a d'abord exercé son métier d'infirmière dans un petit village à Taïwan pendant quatre ans et demi. Elle y a appris le mandarin. «C'est une langue très difficile à maîtriser, j'ai vécu une expérience qui développe l'humilité». 

Sœur Jean-Marie Vianney est revenue au Canada à la maison mère située à Montréal. Elle a travaillé comme infirmière à l'hôpital Ste-Justine auprès des enfants comme elle aimait tant le faire.  « C'était une préparation à œuvrer auprès des  enfants en Afrique ». 

La grande aventure devenait réalité, ce grand voyage qui aller durer six ans sur le continent Africain en Zambie, dans un gros dispensaire qui desservait plusieurs villages d'une grande pauvreté. 

Lors de son séjour, sœur Jean-Marie Vianney a appris le Tumbuka, c'est une langue bantoue parlée au Malawi, en Tanzanie et en Zambie.  C'est une langue moins difficile à apprendre que le mandarin. Pour apprendre la langue, elle attirait les enfants avec des cahiers à colorier et elle les écoutait parler. « J'ai tellement aimé les africains; ce sont des gens simples et reconnaissants.  Malgré leur grande pauvreté, ils ont toujours le sourire ». 

Un choix déchirant

En Afrique Sœur Jean-Marie Vianney a rencontré une personne qui a bouleversé le cours de sa vie.  Un séminariste qui est devenu au fil du temps son amoureux.  Elle a dû faire un choix entre sa vocation de missionnaire et sa relation amoureuse. « J'avais le sentiment d'abandonner les enfants ». 

A son retour au Canada sa décision de quitter la congrégation était prise. «C'était une décision qui me démolissait». Elle en a informé ses parents. « Ma mère a accepté ma décision et à mon retour elle m'a pris dans ses bras. J'ai senti qu'elle était avec moi. Ma famille a beaucoup souffert de mon absence ». 

Son amoureux Christopher est venu lui rendre visite mais comme il n'avait pas l'autorisation de résider au Canada, il a dû rentrer dans son pays.  Elle est retournée pour se marier en Afrique.  La cérémonie s'est déroulée le jour de la Saint-Valentin en l'absence de sa famille; seul un témoin était présent.  Elle a vécu deux semaines avec Christopher. Elle est revenue en espérant son retour définitif au Canada. C'était Juliette qui revenait dans son pays. 

Un grand deuil 

Christopher n'est jamais revenu au Canada, Juliette ne l'a jamais revu. En effectuant des recherches, elle a appris son décès dans un hôpital, sans elle.  Ce fut un deuil difficile.  Il lui fallait continuer à vivre sans lui.  Elle a donc postulé pour un poste d'infirmière dans un centre de soins de longue durée à Harrington Harbour; elle y a travaillé pendant neuf ans. C'est un endroit qu'elle a apprécié. « J'ai aimé mon expérience; on voit ce qu'on peut apporter ».  

Un retour dans la famille

En 2009 Juliette a pris la décision de prendre une retraite, mais pas tout à fait. Elle désirait s'occuper de sa mère qui était malade.  Elle a acheté une maison à Shipshaw et elle en a pris soin jusqu'à son décès en 2012.  Par la suite, c'est sa sœur qu'elle a accompagnée jusqu'à son décès il y a un an.  « C'est une vie avec des deuils, celui de ma mère, de ma sœur et de mon frère ». Juliette n'a jamais connu un autre amour, Christopher est toujours présent dans son cœur. 

Depuis 2018, elle a des problèmes de santé qu'elle réussit à surmonter avec beaucoup de sagesse.  Elle se sent appréciée des personnes qui l'entourent même si elle s'ennuie beaucoup de celles qu'elle a connues. « Juliette et sœur Jean-Marie Vianney c'est la même personne; j'ai vécu une vie, une histoire à raconter ». 

Suite au décès de sa mère, Juliette a retrouvé dans un tiroir toutes les lettes qu'elle lui écrivait lorsqu'elle était missionnaire.  

« Dans un tiroir secret, j'ai cru trouver la clé que je cherchais, papier, photos, mots d'amour effacés mais c'était toi qui me manquais» 

(Chanson interprétée par Diane Dufresne.)  Pour ne pas oublier.