Contre tout, tout le temps
Si des extraterrestres devaient nous visiter ce printemps et que j'étais chargé de leur expliquer comment pensent les Québécois aujourd'hui, je leur dirais simplement que nous sommes contre tout, tout le temps. C'est le sentiment qui flotte dans l'air, le zeitgeist comme disent les Allemands.
À ces E.T. débarqués d'une lointaine galaxie avec leur bicyclette, je leur dirais que ce n'est pas une critique et que même leur interlocuteur adhère à cette pensée sans trop se questionner.
Contre les nouveaux barrages, les vacances du premier ministre, les drag-queens, les troisièmes liens, l'inflation, l'immigration, la neige, l'anglais, les changements climatiques, les mesures trop strictes contre les changements climatiques, Twitter, la gauche, la droite, alouette!
''Ce n'est pas tout le monde qui est contre chacune de ses choses, mais il y a toujours assez de personnes offusquées pour qu'on en parle dans les médias'', que je préciserais à nos visiteurs galactiques malgré ma connaissance imparfait de la langue martienne.
Les bonshommes verts se demanderaient sûrement, et avec raison, comment nous faisons pour fonctionner comme société. Je leur répondrais que ce n'est pas très compliqué. Que le gouvernement a inventé un concept de ''courage politique'' basé sur sa côte de popularité et s'en sert pour prendre des décisions impopulaires. Pour le reste, il fonctionne par sondage et prend les orientations voulues par le plus grand nombre de personnes. À l'occasion, on trouve des sujets pour lesquels tout le monde est d'accord d'être contre, l'ingérence du Canada dans les affaires du Québec par exemple, et cela a un effet rassembleur. Et aussi, tout le monde écoute encore La Petite Vie.
''Mais cela a des conséquences, que je clarifierais lors de cette rencontre du troisième type: par exemple le fait que la majorité des gens soient préoccupés par les changements climatiques, mais pas assez pour soutenir des actions sérieuses fait en sorte que le gouvernement reste les bras croisés.''
Le concept serait peut-être difficile à comprendre pour les aliens qui peuvent vivre plus de 9000 ans avant de demander leur pension de vieillesse, mais avec 43 ans de moyenne d'âge au Québec, la province s'enfonce tranquillement dans le conservatisme à la mesure que ses citoyens vieillissent.
''La génération des Québécois qui sont présentement à la retraite ont vécu d'énormes changements dans leur jeunesse et la plupart sont satisfaits des avancés et ne souhaitent pas aller plus loin. À 43 ans de moyenne, la majorité des adultes actifs sont bien avancés dans leur carrière et comptent les années avant le retraite. Ils veulent éviter de vivre de gros changements et exigent surtout de la stabilité pour les années restantes au travail'', ajouterai-je.
À ce moment, ces extraterrestres venus pour enseigner aux Québécois leurs technologies les plus avancées (et arrivées spécifiquement au Saguenay en raison de la Pyramide des Ha Ha leur rappelant l'architecture de leur planète d'origine) se demanderaient sérieusement s'ils n'ont pas fait erreur dans leur choix de destination.
''Ne vous inquiétez pas, m'empresserai-je de les rassurer, de toute façon votre expérience académique n'est pas reconnue ici. C'est bien malheureux que vous sachiez comment vous téléporter et voyager à la vitesse de la lumière, mais avant toute chose vous devrez aller en francisation, ensuite nous évaluerons si vous avez l'équivalent d'un secondaire 5. Vous pouvez toujours construire des pyramides durant vos temps libres comme lorsque vous avez aidé les Égyptiens à le faire, mais vous ne pourrez pas trouver d'emploi dans le domaine ici.''
Et c'est ainsi que les extraterrestres s'installèrent au Québec et commencèrent petit à petit à chialer, en français, contre toute chose et son contraire.