Le 21 décembre 2024
Volume 42, Numéro 10
Dans le firmament de nos souvenirs luit une nouvelle étoile

Dans le firmament de nos souvenirs luit une nouvelle étoile

L’abbé Clément Girard

Dans le firmament de nos souvenirs luit une nouvelle étoile, celle de notre curé, Clément Girard (1985 à 2000), décédé le 21 avril dernier.

Permettez-moi, le temps de quelques battements de cœur, de vous amener sur les chemins de la reconnaissance, car il fut un être magnifique d'humanité, de bienveillance et de compassion. Si l'Église catholique traîne encore bien des casseroles et a souvent erré dans sa mission, l'abbé Clément est, je crois, ce qui se rapproche le plus de la sainteté.

Le texte qui suit est largement inspiré d'un hommage que je lui avais écrit lors de son 50e anniversaire de vie sacerdotale. Il est paru en mai 2013 dans la Vie d'Ici.

À l'ombre des cheminées de la compagnie Price où travaillaient son père Eugène, le 27 août 1933, Clément quittait donc ce sanctuaire incomparable du ventre de sa mère, Clara Bergeron, pour atterrir, le 7e, dans la famille des Girard. À cette communauté singulière, sa première et primordiale église, s'ajouteront 10 autres enfants, 17 donc au total (4 filles et 13 garçons). Central dans ce tourbillon incessant des écorchures, des ventres vides et de l'extraordinaire lourdeur du quotidien dans la légèreté de l'enfance, il a dû s'adapter aux plus vieux et accueillir, aider, aimer les plus jeunes avec cet humble entêtement au bien qui l'animait déjà.

Ni la grande crise économique ni la guerre n'auront altéré sa joie de vivre, son esprit espiègle et son sens de l'humour. Après une adolescence de découvertes, de doutes, d'études, de questionnement et une pause scolaire de 5 ans, il se lançait plus déterminé que jamais dans des études classiques, puis théologiques qui le mèneront à la prêtrise. Ce choix de Dieu, au cœur de sa vie, résultait d'une profonde réflexion, d'un appel aussi puissant qu'inattendu, et aussi, je présume, de l'incomparable et si riche expérience de vie au sein de sa famille, cet alphabet primordial qui sait si bien nous définir.

Il avait déjà compris que «pour composer son bonheur, il fallait y faire rentrer celui des autres» (Ségur). Suivront, ininterrompues, comme un chapelet qu'on égrène, les obédiences de vicariat dominical à Chicoutimi, Sainte-Croix, Alma, puis à Saint-Jean-Vianney et Saint-Léonard où il nous a été si facile de l'aimer.

Nous avons vite compris qu'il était aube et midi, qu'il portait l'aube, symbole de l'humilité, la discrétion, le don de soi. Mais que sa personnalité, son sourire, son énergie, eux étaient de plein midi, éclairants, chaleureux, rayonnants.

Pendant tout ce temps, soit 22 ans, notre ami Clément enseignera au séminaire Marie-Reine du-Clergé de Saint-Jérôme, le français, le latin, la religion, la philosophie et sera directeur de pastorale. Passion pour la jeunesse, amour du verbe et toujours l'humeur à l'humour seront ses leitmotivs. Petit malcommode dans son enfance, taquin avec ses frères et sœurs, il a toujours su garder ce côté bon enfant et rieur qui le rendait si attachant. Au séminaire, on le surnommait affectueusement Colombo, celui qui solutionnait toujours les énigmes et avait un flair puissant pour découvrir les pots-aux-roses. Pour lui, méditer était sûrement un verbe réfléchi.

Puis survient ce changement de cap, sans doute brutal pour lui, mais qui fera notre joie à Shipshaw. En effet, le 13 septembre 1985, il devenait officiellement notre curé à la paroisse de Saint-Jean-Vianney où il hériterait de 2 églises. Heureusement, l'abbé Ghislain Dufour, un ami de toujours, lui apportera son aide précieuse. Pendant 15 ans, jusqu'en septembre 2000 il sera notre pasteur. Sans être la seule, on peut dire qu'il a été auprès de nous, Shipshois, une forte et déterminante présence de Dieu dans nos vies. Il a transcendé sa profession. Normal, il avait Dieu avec lui. Mais ne l'avons-nous pas tous?

Je me souviens de cette première homélie qui avait porté sur l'évangile de la multiplication des pains. Il faisait alors référence à sa réponse à l'évêque pour cette nouvelle et grande mission de marcher avec nous sur les routes de la foi, nous invitant par le fait même à mettre nos qualités au service de la communauté. Tout ce temps, j'ai reçu chacune de ses homélies comme un chef-d'œuvre de concision, de profonde réflexion et de fine pédagogie. S'y dégageait toujours son regard particulier sur les êtres et la vie, son étonnement toujours renouvelé de la condition humaine, son amour de la pensée quand elle s'enveloppe de poésie, sa passion pour le Dieu vivant. En contrepoids à cette belle et stimulante lucidité, sa voix ronde et grave planait du chœur jusqu'à la nef et nous enveloppait comme un cantique.

Ses enseignements auront laissé leur empreinte sur l'argile de nos âmes qui se construisaient. Durant toutes ces années, où sa sagesse se voulait pluie fine sur nos germinations, il aura apporté le message du Seigneur sur ce fidèle aux 1000 visages, aux âges multiples, plein d'espoir et de rêves, de doutes et d'enthousiasme. Par rapport à ce qu'il était, par rapport à son respect de ses ouailles, par rapport à sa vérité profonde et celle de Dieu, il a toujours donné la même homélie, celle de l'homme qui s'est semé lui-même au fil des ans et qui est devenu, selon l'expression de Vigneault : « l'homme- champ de blé ».

Le prêtre, c'est l'âme vibrante du troubadour qui porte les mots jusqu'à la mélodie et le poids des mots jusqu'au cœur.

Clément, s'est même impliqué dans le journal La vie d'ici. Il y a écrit 97 articles pour communiquer avec la communauté. C'est un travail spectaculaire.

Cher Clément, sur les ailes du temps, j'irai dans la maison de Dieu pour y rencontrer votre attachement de fils aimant, dévoué dans le visible et l'invisible. Votre parcours de vie fut si intense, si dense, si créatif, si généreux, que je suis pris d'un certain vertige, moi qui ne l'ai pas habituellement devant toutes vos réalisations.

J'aimais de vous ce côté vrai, authentique, passionné, chaleureux qui supprime les distances physiques et psychologiques.

J'aimais de vous cette espèce de contagion enjouée qui nous donnait le goût de danser, de fêter, d'envoyer promener les nuages.

J'aimais de vous votre disponibilité, généreuse, spontanée, presque légère, mais si efficace, si bénéfique.

J'aimais de vous que vous soyez mon ami, sensible, discret, entièrement dédié avec cet attachement profond et sans jugement pour l'âme humaine.

J'aimais de vous votre petit côté Bergeron (probablement), déterminé, volontaire, fonceur, explosif parfois, mais si habile et efficace dans l'action.

J'aimais aussi la belle eau de source de votre énergie, toute en douceur, en finesse, en limpidité.

J'aimais également votre côté fraternel, votre sens de l'équipe et votre facilité extrême à vous sortir de toutes les situations.

Finalement, j'aimais votre généreuse empathie et le carillon de votre sourire.

J'aimais votre solidité à vous mouvoir dans le fragile.

Comme des feuilles mortes, les secondes tombent dans le murmure du vent qui les emporte. 

Comme une feuille de route, nos souvenirs s'accrochent dans la ramure du temps qui les chuchote.

La vie creuse sa trace sur notre écorce, mais laisse intacts les chemins de sève qui nous font vivre,

Merci Clément de nous avoir aimés.

« Grâce et bonheur m'accompagnent tous les jours de ma vie. J'habiterai, la maison du Seigneur pour la durée de mes jours ». Psaume 22.

Denys, au nom de tes paroissiens éplorés de Shipshaw.