Pas de paillettes, pas de richesse ostentatoire, pas de fla-fla, que la simplicité pure de laquelle se dégage l'authenticité des êtres. Il arrive parfois que, de l'ordinaire jaillisse l'extraordinaire. Selon moi, c'est le cas dans le film magnifique de Paul Sauvé : « La Petite et le Vieux. »
Beaucoup de films québécois ont, par le passé, magnifié le misérabilisme, le marginal, l'excentricité. Dans celui-ci, la rencontre improbable de deux êtres que tout oppose, nous amène progressivement vers la lumière. D'abord une proximité qui petit à petit devient complicité, puis osmose, malgré l'âge, les caractères et la parlure qui semblent les éloigner.
Le grand cœur de Roger malgré son allure de vieux schnock, crée une forte amitié et battra à l'unisson avec celui de Joe (Hélène).
Les différentes scènes, souvent tournées en éclairage discret, sont toujours d'une grande beauté. Un des ancrages forts de ce petit bijou cinématographique, c'est la symbolique développée de façon magistrale autour du roman de Ernest Hemingway : « Le vieil Homme et la Mer.» Quelle géniale et touchante juxtaposition! Quant aux interprètes, ils sont d'une remarquable et profonde vérité. Gildor Roy transcende son personnage de vieux bougre et lui donne une humanité magnifique. À la fois drôle et pathétique, il est d'abord authentique et beau dans la sincérité.
Dans le rôle principal, la Petite Juliette Bharucha respire la fraîcheur et sa présence de tous les instants crève l'écran et nous touche jusqu'au cœur. Quelle incroyable révélation! Son intelligence, sa sensibilité, sa forte personnalité n'ont d'égales que sa beauté. Son jeu tout en nuances porte le film dans la lumière. Bravo pour ce tour de force!
Comme j'ai beaucoup pleuré durant le film, je me suis posé la question du pourquoi. D'abord je suis extrêmement sensible à la beauté de la vérité sincèrement exprimée, et par ailleurs, les joints d'étanchéité de mon système lacrymal (gaskets) sont finis. Mais ce film porte aussi le message subliminal mais puissant du lien intergénérationnel qui se perd de nos jours, mais qui est si nécessaire et bienfaisant quand il est opérant. Je pense ici à l'extraordinaire apport de mes cinq petits-enfants à l'architecture de mes vieux jours. Ils me sont si précieux et nos échanges sont porteurs de joie et de vérité.
J'y ai vu après coup, l'enseignant que j'étais, travaillant avec une jeunesse extraordinaire et ouverte qui m'apportait sa diversité et son énergie en échange de mes idées et de ma joie de vivre.
Enfin l'époque où le film est tourné, soit le début des années 80, fut celle de mes propres enfants, un pan de ma vie qui dormait en moi comme un trésor caché et qui a refait surface dans des larmes de joie. J'étais accompagné, admiratif et aimant, par celle par qui tout fut possible, ma belle Rolande, qui a eu la prévoyance et la gentillesse de fournir les kleenex à mes effusions.