Le 26 avril 2025
Volume 43, Numéro 4
Mon histoire, On dit que l’on choisit ses parents… le croyez-vous…
Mot à Mot

Mon histoire, On dit que l’on choisit ses parents… le croyez-vous…

Il était une fois une petite fille qui voulait vraiment voir le jour. Elle choisit donc sa mère Raymonde qui avait comme conjoint un chic monsieur natif de Londres appelé William. Ce bébé avait vraiment hâte d'arriver en ce monde. Le jour de l'accouchement à l'hôpital, il a suffi d'une seule poussée de sa mère pour qu'elle se retrouve dans les bras du médecin. Ce dernier dit de façon coquine: «c'est bien une fille et elle a déjà sauté dans mes bras, ça promet».

Dès qu'elle vit ce petit miracle, sa mère, dit tout haut : Wow! La vraie copie de son père… si belle, aura-t-elle le caractère décidé, entêté de son père? Au fond, elle se trouvait choyée d'avoir eu deux enfants avec son adonis. 

Elle avait déjà eu deux autres enfants avec son premier époux. Étant malades, les deux garçons avaient été placés en foyer nourricier.

Je ne peux vous raconter en détail les premiers mois de ma vie, que ma mère avait surnommée «son p'tit chaton», mais je vais vous citer quelques anecdotes que l'on m'a répétées très souvent.

Au moment de mon baptême, on m'a couchée sur l'autel afin de me prendre en photo. J'ai alors levé la main vers les gens comme pour leur dire : «Je sais ce que je veux, attendez-moi». Selon ce qu'on m'a dit, je semblais vraiment décidée à être ce qu'on appelle «Un p'tit boss» d'ailleurs. 

Sur mon baptistaire était écrit le nom choisi par ma mère: Emmanuelle qui signifie Dieu parmi nous. Mon père, lui montrant son propre baptistaire sur lequel était inscrit Annie, elle décida de me donner cette appellation qu'elle trouvait encore plus jolie, et plus courte que la première. Je porte donc le nom de ma grand-mère paternelle: Annie. Ce document si précieux avait été égaré depuis la période de la guerre. Mon père était tellement fier de l'avoir retrouvé et il jubilait à l`idée que “son fille” comme il disait (il était anglophone) porte le nom de sa propre mère. 

Cependant, ma mère qui avait une santé très précaire, était incapable de nous procurer tous les soins nécessaires à la bonne santé et à la sécurité de deux enfants en bas âge. 

Des voisins, entendant trop souvent nos pleurs ont signalé la situation aux autorités concernées. On a alors placé mon frère âgé de 2 ans dans un foyer de St-Philippe à Arvida et on m'a amené chez une dame qui s'occupait des enfants en attente d'un foyer. J'avais alors sept mois.

Un jour, un couple s'est présenté chez cette dame Tremblay qui s'occupait de trouver et de choisir des nouveaux parents aux enfants placés chez elle. Cette dame m'a gardée dans ses bras tout au long de la visite. Dans ma petite tête, je devais me demander qui était ces gens qui m'examinaient de façon si inquiète… Ils semblent jaser, mais ils regardaient mes réactions…

Ce que je ne savais pas, moi, la petite Annie, c'est que, avant moi, ce couple avait accueilli chez eux un garçon de 10 mois et que ce bébé était malade; même dans une marchette, il était incapable d'avancer. C'est le cœur brisé que mes futurs parents, René et Jacqueline avaient dû ramener le bébé à ce foyer de transition, là où j'attendais mon tour d'être choisie.

Pourquoi n'avaient-ils pas gardé ce beau bébé? C'est Jacqueline qui l'avait accueilli pendant que son époux était au travail. Ils étaient mariés depuis cinq ans et n'avaient toujours pas d'enfants. Écoutant son cœur, ma mère avait décidé elle-même de prendre le premier bébé qu'on lui avait présenté.

René, travaillait dans un Centre d'Entraînement à La Vie et il avait dû quitter, étant incapable de suivre les directives exigées. Il n'était vraiment pas d'accord avec quelques-uns de leurs règlements. 

Mais aujourd'hui, chez madame Tremblay, qui des deux va décider si je peux devenir une petite Boily? J'ai su plus tard que mon père avait dit à ma mère: «cette fois c'est moi qui décide. Tu attendras que je parle.» 

À un moment donné, la dame qui me tenait dans ses bras a toussé et moi, la petite Annie, je l'ai imité… Rien ne se passe. Tout-à-coup, j'ai enlevé un fil qu'elle avait sur son gilet. C'est à ce moment précis que j'ai entendu ces mots magiques prononcés par mon père «On la prend…» Avait-il vu un signe que je serais une fille extra propre… une bonne ménagère? 

Et c'est à partir de ce jour que je suis devenue leur petite princesse, gâtée, choyée… 

Après 50 ans avec mes parents, je remercie le ciel pour toutes les bénédictions qu'il nous a accordées. Pour moi, la vie a été généreuse. J'ai la dystrophie musculaire, c'est un héritage de ma mère qui est aujourd'hui décédée. 

Ma nouvelle mère me disait que ce n'est pas une maladie la dystrophie. J'ai quand même réalisé tous mes rêves… cours de ballet, piano, chorale, danse…. J'utilise une marchette depuis seulement environ 8 ans mais je vais partout où je veux aller… On m'appelle l'ange de la famille. Comme mes deux mères, j'ai une foi inébranlable: Dieu qui donne les épreuves donne aussi les épaules pour les porter. 

Annie Espine