Faire simple
Maria Treben soignait presque tout avec les orties. Que ce soit en infusion ou en bain de pied, et pour à peu près tous les maux du corps : des simples, comme l'herboriste autrichienne appelait les plantes à propriété médicinale dans son best-seller international La santé à la pharmacie du bon Dieu.
L'ouvrage traîne encore sûrement dans bien des maisons québécoises. Le livre date déjà de longtemps et l'autrice était déjà vieille. Lorsqu'on est vieux et ce depuis longtemps, on a forcément raison, non? Difficile à dire, il n'y a à peu près plus d'école ou de référence sérieuse en médecine traditionnelle pour en juger.
On a souvent tendance à ranger l'herboristerie dans le même tiroir que les jeux de tarots, la sorcellerie et l'alchimie, pourtant la pratique a été prise au sérieux en Europe jusqu'au début du 20e siècle, au point où les facultés de médecine décernait les certificats d'herboristerie et en encadrait la pratique. Plusieurs des connaissances de l'époque se retrouvent dans la médecine moderne, en ayant isolé les éléments actifs des plantes utilisées par les herboristes.
Aujourd'hui, Maria Treben doit se retourner dans sa tombe en voyant toutes les publications disant tout et n'importe quoi qui polluent le web sur la médecine alternative. Si certaines publications reposent sur un savoir traditionnel et se présentent comme une médecine de prévention permettant d'éviter dans certains contextes la médecine scientifique moderne, il est impossible de séparer le bon grain de livraie tant une grande partie de ce qui touche ces pratiques traditionnelles baigne dans la même eau des discours conspirationnistes divers.
Qu'il est tentant de se dire « au diable les tisanes et les remèdes de grand-mère »… et pourtant, il y a une bonne raison d'en parler. Chaque année qui passe, et malgré les efforts multiples des gouvernements, on observe la déchéance de notre système de santé. On nous demande d'éviter autant que possible de nous rendre à l'urgence, surtout pas pour une grippe ou un rhum. Soignez-vous à la maison, qu'on nous dit. Oui, bien sûr, mais comment?
Devant le constat que l'état, qui jusqu'à présent nous fournit des soins gratuits et accessibles, aura de plus en plus de difficulté à répondre à la demande avec le vieillissement de la population et le manque de main-d'oeuvre, nos instances en santé n'auraient-elles pas aussi la responsabilité de fournir à la population un maximum d'informations sur les soins préventifs pouvant être administrés à domicile? Cela pourrait faire partie de l'éventail de solutions pour permettre un accès aux soins aux citoyens, avec les pouvoirs élargis aux pharmaciens et la part plus importante du privé.
Comprenons toutefois que le ministère de la Santé et Santé Québec ont drôlement plus de responsabilité envers la population que la voisine flyée qui mange des pissenlits. Et pourtant les pharmacies regorgent de produits naturels divers, répondant ainsi à la demande de ceux qui s'autodiagnostiquent des bobos et qui s'autoprescrivent des traitements. Les boutiques de produits naturels sont aussi nombreuses tant sur le web que dans plusieurs villes du Québec. Alors, si ces produits sont dangereux, ne vaudrait-il pas mieux en interdire la vente, et si au contraire ils peuvent avoir avoir une utilité, pourquoi ne pas guider les patients consommateurs?
Pour égayer le mois de mars, je me suis lancé dans une pneumonie pendant une quinzaine de jours et j'ai bien eu le temps de presque tout lire les publications des différents CISSS et CIUSSS sur les traitements à domicile avant de me résigner à demander des antibiotiques. Le constat est que nos centres de santé parlent déjà de «remèdes de grand-mère», par exemple avec une recette de pédialyte maison. Mais il y a définitivement moyen d'aller plus loin tant que l'accès aux soins d'urgence ne sera pas amélioré.